Versão Inglês

Ano:  1949  Vol. 17   Ed. 1  - Janeiro - Abril - ()

Seção: Trabalhos Originais

Páginas: 10 a 23

 

LES BOURDONNEMENTS D'OREILLE

Autor(es): PIERRE LOUIS KLOTZ

Ancien interne des Hôpitaux de Paris

Chef de Clinique O. R. L. à la Faculté de Médecine de Paris

Les bourdonnements d'oreille posent 1'un des problèmes les plus mystérieux de 1'otologie. Presque tout nous reste inconnu, en effet, ou à peu près, dans leur signification pathogénique. La multiplicité même des traitements proposés témoigne trop souvent de leur impuissance. A la veille des hostilités, la question des bourdonnements d'oreille était pratiquement au point mort. Depuis, nos connaissances sur ce point ont béneficié de recherches sur la physio-pathologie de 1'oreille interne. Les travaux de Fowler, d'Atkinson et de Lempert ont littéralement renouvellé nos conceptions, tout en faisant entrevoir la possibilité d'une thérapeutique plus effícace que par le passé.

Les malades qui viennet nous consulter pour des bourdonneinents peuvent se ranger dans deux catégories. Tantôt, le bourdonnement fait partie d'un ensemble symptomatique plus ou moins riche, avec hypoacousie, vertiges, manifestations objectives plus ou moins nombreuses: c'est le "bourdonnement-symptôme", celui que nous observons dans 1'otospongiose, dans la commotion labyrinthique, la neuro-labyrinthite syphilitique, le gliome du nerf acoustique, comme dans les affections les plus banales, telles qu'un méchant bouchon cérumineux voire un catarrhe tubo-tympanique même discret. Tantôt, le bourdonnement apparait primif, isolé, il résume à lui tout seul toute la maladie. Le malade ne se plaint d'aucun autre trouble, 1'examen otologique le plus minutieux ne révèle aucune ànomalie. C'est le "bourdonneinent cryptogénetique", extrêmement fréquent, souvent opiniâtre, redoutable, et dont nous commençons à peine à comprendre le mécanisme. C'est surtout lui que nous aurons en vue dans cet exposé.

Les bourdonnements font 1'objet, de la part des malades, d'une foule de comparaisons plus ou moins imagées : ronflement de moteur, bruit de sirène, bruit de la mer ou de cascade, sifflement de vapeur, etc... ce qui nous permet de les situer grossièrement dans 1'échelle tonale. Notons que les malades comparent leurs bourdonnements à des bruits connus, mais sans les identifier avec eux : même légers, ou intermittents, les bourdonnements offrent toujours un caractère désagréable três spécial. Pour une oreille normale, le bruit de la mer ou de la cascade n'est pas déplaisant.

L'interrogatoire précisera 1'horaire des bourdonnements, interinittents, continus, à début progressif ou au contraire brutal, le malade pouvant en dire la date et 1'heure. On s'efforcera de les localiser: dans certains cas, le sujet peut incriminer une oreille, en géneral le bourdonnement parait plus ou moins bilatéral, avec parfois prédominance plus ou moins nette vers un côté. Três souvent, la localisation est incertaine ou variable.

On appréciera 1'intensité du bourdonnement d'une manière approximative : au premier degré, le bourdonnemént n'est perçu qu'au repos, et seulement dans un local silencieux. Au second degré, le bourdonnement est perçu même pendant le travail, même au milieu des bruits extérieurs, mais le sujet parvient à en faire abstraction, sans effort excessif. Au troisième degré, le bourdonnement empêche le sommeil, il retentit déjà sur le psychisme et 1'état géneral du malade. Au quatrième degré, enfin, il acquiert un caractère à la fois douloureux et obsédant. Le malade, qui ne peut trouveur ni sommeil, ni repos, doit renoncer à toute activité, il devient souvent toxicomane, et parfois candidat au suicide.

Fowler nous a appris à étudier d'une manière bien plus objective les bourdonnements, par 1'analyse audiométrique.

Cette analyse se fait en chambre insonore, successivement assourdie. Elle se compose de quatre séries d'épreuves essentielles.

I.° Localisation précise du bourdonnement: un bourdonnement bilatéral, mais asymétrique, semble souvent unilatéral au malade, à cause des effets de masque.L'assourdissement de chague oreille à tour de rôle permettra de dire s'il s'agit ou non d'un véritable c)ourdonnement unilatéral: éventualité rare. L'emploi d'un jet gazeux de débit contrôlé, proposé par Aubry et Giraud, possède 1'avantage d'assourdir 1'oreille non examinée par ébranlement vibratoire, et non par un effet sonore surajouté : 1'exclusion de 1'oreille assourdie est parfaite, et sans retentissement sur 1'oreille opposée.

2.° Mesure de la bande de fréquences occupée par le bourdonnement : il suffit pour cela de reproduire aussi fidèlement que possíble le bruit subjectif. Rien de plus facile, en théorie, mais, si 1'oreille bourdonnante présente un gros déficit auditif, on pourra être obligé de faire cette recherche sur 1'oreilie opposée. Notons eu outre chie cette mesure, facile pour les bourdonnements graves ou moYens, devient três délicate pour les bourdonnements três aigus, au dessus de 8.000 cycles.

3.° Mesure de 1'intensité du bourdonnement : on recherche 1'intensité sonore minima nécessaire pour masquer le bourdonnement. Il faut en géneral monter vers 40 ou 50 décibels. On a quelquefois des surprises. Certains bourdonnements violents, considerés colnme insupportables peuvent étre masqués par 10 à 20 décibels seulelment. D'autres sont si intenses qu'on ne parvient pas à les Inasquer complètement.

4.° Mesure des seuils d'audibilité dans le reste du chame audítif : elle permet de tracer les courbes d'audiométrie liminaires du malade. De três violents bourdonnements peuvent gêner les mesures: on y parvient cependant, par 1'émission descontinue des sons, suivant un rythme convenu avec le malade, et facile à suivre (de la Contrie), tel qu'on signal Morse.

Le diagnostie différentiel des bourdonnements pose souvent des problèmes embarrassants.

1.° Les bruits entotiques vasculaires sont faciles à distinguer des bourdonnements, parece qu'ils sont rythinés par le pouls, exagerés par le decubitus latéral, et surtout par la pression sur les gros vaisse,aux du cou. Notons en passant que la recherche de leur origine est souvent bien difficile.

2.º Les bruits en rapport avec les contractions musculaires eux aussi, se distinguent sans peine des bourdonnements : ils sont três intenses, parfois audibles extérieurement, ils sont intermittents, et leur timbre diffère beaucoup de celui des bourdonnements. Aubry et Ombrédanne ont observé des bruits rythmés d'origine musculaire chez un malade atteint de myoclonies velo-palatines, et liés aux contractions myocloniques des muscles péristaphylins.

3.° Les craquelnents de 1'articulation temporo-maxillaire peurent être localisés à tort par le malade dans son oreille, mais il n'est pas difficile, en géneral, de les rattacher à leur cause: ils sont uniquement provoqués par les mouvements de la mandibule.

4.° Le diagnostie de la simulation peut se poser en cas de 1ésion entrainant un droit de réparation par un tiers, ou de nature à sottstraire le malade à une obligation militaire, sociale, etc.. Vule caractère essentielleinent subijectif du bourdonnement, ce problème peut étre fort embarrassant. L'étude du contexte clinique s'impose : renseignenients fournis par 1'histoire de la maladie, par 1'examen otoscopique, contrôle médico-légal de l'auditioal: ore sait combien ce contrôle est deveu facile et probant gràce aux technidues audiornétriques modernes. Il est bien difficile, pour un sujet de mautlvaise foi, de localiser ttn prétendu bourdonnement sur une région vraiment fixe du champ auditif, et surtout de le neutraliser avec une puissance constante cri decibels.Du reste, dares les otopathies traumatiques, il est rare que le bourdonnement soit 1'unique symptôme. L'expert possède donc plus d'élements d'al,préciation que jadis. Ou fait des difficultés de contrôle, le bourdonnement était jtisqu'ici três chichement indemnisé par les barémes d'invalidité: on ne peut que le regretter, pour les três nombreux blésses sincères, chez lesquels le bourdonnement est assez intense et rebelle pour constituer à lui seu1' une redoutable infirmité. Le perfectionnetnent de nos moyens d'expertise doit faire espérer dans 1'avenir des modalités plus éduitables de réparation.

5.° Reste à étudier la discrimination entre les bourdonnements et les hallucinations auditives, particulièrement litigieuse chez certains inalades. Elle n'est d'ailleurs pas interpretée de même par tous les auteurs. En effet, les formes inveterées et graves clu bourdonnement présentetut un caractère obsédant et retentissent plus ou moins sur le psychisme du sujet.

Ce diagnostic repose surtout sur des nuances. Contrairement atix bourdonnetnents, les hallucinations auditives sont localisées "dares la tète" plutôt que dares les oreilles, elles n'ont pas le caractère de sons musicaux, mais de bruits complexes, presque toujours de nature fort pénible ou même terrifiante: par exemple hurlements de fauves, bruits d'explosions, etc. Les hallucinations réagissent parfois volontiers à la suggestion. On retrouve d'ailieurs souvent la notion d'une contagiou mentale. Atkinsor .i insisté sur le fait que les malades atteints d'hallucinations auditives n'ont aucune déficience auditive, ni subjective, rei à 1'examen audiométridue. Enfin, les hallucinations auditives sont souvent asseciées à d'autres hallucinations, tactiles, visuelles, etc. Quoi qu'il en soit, il est souvent bien difficile d'établir une frontière nette entre les deux syndrôrnes.

Un certain nombre de formes étiologiques des bourdonnements présente un grand intérêt au point de vue pathogénique et thérapeutique.

a) Affections de 1'oreille externe. Beaucoup de bourdonnements n'ont d'autre origine qu'un bouchon cérumineux ancien, trés dur, enclavé, et qui exerce sur le diaphragme myringien une pression permanente. Cette pression, transmise à la fenêtre ovale par la chaine des osselets, provoque une souffrance permanente de la cochlée. Tout cesse comine par enchantement après ablation du bouchon responsable. De même, les cores étrangers, les bouchons épidermiques peuvent provoquer de violents bourdonnéments par un mécanisme analogue.

b) Affections de la trompe. Le catarrhe tubo-tvmpanique, aigu et surtout chronique, est un grand pourvoyeur de bourdonnements, il provoque soit de 1'hypertension cochléaire par enfoncement du système tympano-ossiculaire, soit, plus rarement, de l'hypotension, liée à la pression négative qui règne dans la caisse.

c) Supurations d'oreille. Les bourdonnements sont fréquents, au cores des otites aigües, mais disparaissent en géneral tandis que 1'inflammation aigüe s'amende. C'est ainsi qu'un les observe presque toujours chez les convalescents de mastoidite. Quelquefois, cependant, on a la pénible surprise de les voir persister chez le convalescent, il faut alors en redouter le passage possible à la chronicité.

Dans les otites chroniques, le bourdonnement est rare : il 1'est tellement que, lorsqu'il apparait, on pense tout de suite à un début-d'irritation du labyrinthe. Lempert a insisté sur le fait que les malades porteurs de lésions trés étendues de la caisse, avec polypes, cholestéatome, ostéite diffuse, n'ont prèsque jamais de bourdonnements, de même que ceux qui font une destruction progressive plus ou moins complète de leur labyrinthe. Au contraire, les otorrhéiques dont les lésions restent limitées à 1'attique se plaignent souvent de bourdonnements, et il est curieux de signaler que ce bourdonnement persiste quelquefois après un évidement atticoantral conservateur, alors que la suppuration a disparu complètement.

Dans les otites cicatricielles, les bourdonnements sont pour ainsi dire constants, et particulièrement tenaces.

Ainsi, les lésions irritatives ou cicatricielles sont beaucoup plus bourdonnantes que les lésions profondêment mutilantes (Lempert).

d) Otospongiose, et surdités diverses. Le bourdonnement, on le sait, constitue 1'un des signes les plus constante, et aussi les plus précoces, de 1'otospongiose. Rien de plus odieux, chez cerains malades, que ces perpétuels acouphènes, aggravés par la digestion, le decubitus, et surtout la menstruation, et qui les inquiètent souvent plus que leur hypo-acousie débutante.

Dans les cas plus avancés, avec signes d'ankylose de 1'étrier, et formule acoumétrique de type mixte, les bourdonnements sont trés fréquents - mais, il peut arriver qu'ils manquent complètement. Souvent, les bourdonnements si désagréables du début disparaissent progressivement, dés que le déficit de 1'audition aérienne arrive au dessus de 50 decibels.

La fenestration, même lorsqu'elle rend au malade une audition excellente, ne supprime pas toujours complètement les bourdonnements (J. Salomon).
Les sourds congénitaux n'ont jamais de bourdonnements.

Dans les scléroses diverses de 1'oreille (nous évitons le terme d'otosclérose, qui prête à confusion, les auteurs anglo-saxons 1'employant pour désigner ce que nous appelons oto-spongiose), les hypo-acousies diathésiques, professionnelles ou autres, les bourdonnements sont trés inconstants. Certains malades, dont la cochlée présente des signes de dégenerescence progressive, gardént leurs bourdonnements alors qu'il existe des signes certains de parte plus ou moins totale des fonctions de la huitième paire. Non seulement les bourdonnements persistent, mais on les voit même s'aggraver quelquefois. Chez d'autres sujets, les bourdonnements restent exceptionnels.

Pourquoi certains de ces malade.s souffrent-ils de bourdonnements, tandis que d'autres en sont exempts ? C'est évidemment lá le point crucial du problème. Lempert fait jouer un rôle important à 1'irritation, ou à 1'inflammation du plexus tympanique, c'est à dire de 1'épanouissement du nerf de Jacobson sur le promontoire. La congestion du couvercle muco-périosté du promontoire, si souvent observée chez les oto-spongieux au cours de la fenestration, provoquerait d'intenses bourdonnements. Au contraire, une altération névritique grave, une destruction par un cholestéatome ou par des lésions d'ostéite ne donnent jamais lieu à des bourdonnements. Le bourdonnement s'expliquerait doncssoit par une congestion locale active, comme dans une otite, soit par la stase veineuse, ce qu'on observe par exemple chez les otospongieux. Dans les surdités anciennes et três accentuées, avecdégenerescence du nerf et de la cochlée, 1'hypothëse, de Lempert n'est plus satisfaisante : force nous est alors d'invo(luer une irritation possible des voies acoustidues centrales.

e) Affections endocrâniennes

La souffrance des voies acoustidues centrales, si fréquente dans les affections neurologiques, se manifeste bien plus par des bourdonnements que par des déficiences auditives. Dans les tumeurs de 1'angle ponto-cerebellettx, par exemple, les bourdonnements sont pottr ainsi dire constante au début, d'intensité d'ailleurs moderée, ils sont nettement localisés au côté malade. Plus tard, leurs laterálisation devient moins.franche. Dans un tiers des cas, ils finissent même par disparaitre (Cushing), mais gardent un granel intérêt retrospectif pour le diagnostic de localisation.

Les arachnoidites de cette même région s'accompagnent souvent de bourdonnements, quoi que d'une mamére moins constante. De violente bourdonnements ne traduiset pas tottjours de bien grosses lésions d'arachnoïdite (Aubry et Ombrédanne).

Dans les hypertensions endocrâniennes, la sclérose en plaques, les encéphalites, etc... ore observe souvent des bourdonnements, mais sans valettr localisatrice rei pronostique particulière. Ody a signalé la possibilité de violents hourdonnements dans les lésions de la région pédorículaire - lesquelles s'accotupagnent, comme 1'ont tnontré-Aubry et Mlle Outuikov, parfois d'une hiypo-acousie importante. Ody a même décrit des bóurdonnements de position, par compression des tubercules guadrijutneaux postériettrs liée à la présence d'un pinéalome.

En somme, le bourdonnement des affections centrales traduit en géneral plutôt 1'irritation des voies acoustidues, que leur destruction grave.

Nous en arrivons maintenant à ce groupe redoutable des bourdonnements cryptogénetiques, ceux qu'on ne parvient à expliquer rei par 1'exploration de 1'oreille, ni par 1'examen neurologique. I1 est difficile d'évaluer leur fréquence relative : att moine un ntalade si-ir trois, croyons noas pouvoir dire sans exagération.

L'étude des bourdonnements symptomatiques nous montre cate les affections les plus riches en acottphènes sont surtout celles qui perturbent 1a circulation locale, la tension des milieux de 1'oreille interne, ou celle de 1'endocrâne. Ce n'est dons pas vens la recherche aléatoire d'une lésion organique, mais bien plutôt vers celle d'un trouble fonctionnel qu'il faut diriger les investigations. Comme y a insisté Atkinson, le nerf cochléaire se comporte comme n'importe que nerf sensitif. Or, la souffrance d'un nerf sensitif périphérique se manifeste soit par tine névralgie, soit par des paresthésies. Le bourdonneinent serait, en ce qui concerne le nerf cochléaire, un équivalent de la paresthésie du nerf sensitif périphérique. Son irritation ne peut se manifester que par des sensations du type auditif, en 1'espèce le bourdonnement. Ceci est conforme à une loi génerale de physiologie.

Reste à établir la nature de 1'incitation pathologique. De nombreuses hypothèses ont été émises: chacune d'elles renferme sans doute une part de vérité.

Iº L'origine musculaire de certains bourdonnements a pu être définitivement refutée par Atkinson, qui eut recours à 1'épreuve de la curarisation : aucun de ses malades volontaires pour cette épreuve ne vit disparaitre ses bourdonnements.

2° Pour Lempert, il faudrait invoquer tine neuro-ganglionlte localisée à la région du promontoire, ainsi que nous 1'avons vn précedemment. De fait, cet auteur a guéri des malades par son ingénieuse tyntpano-sympathectômie. Mais il est le premier à reconnaitre que toas les bourdonnements cryptogénetiques ne peuvent point s'expliquer de la sorte.

3° Beaucoup d'auteurs attachent une grande importance aux troubles de la tension de 1'endolymphe.- Mygind et Dederdin- invoquent un trouble du métabolisme de 1'eau, Furstenberg un trouble de celui du sodium : les uns et les autres en déduisent la possibilité de guérir certains bourdonnements par un régime approprié. Beaucoup de ces troubles tensionnels auraient une origine endocrinienne, comme c'est d'ailleurs le cas pour 1'otospongiose. Portmann a insisté, à cet égard, sur le rôle du sac endolympliatique, ce régulateur de la tension des milieux. I1 est certain que cette théorie séduisante peut s'appliquer à un grand nombre de malades. Malheureusement, il est bien difficile de faire la preuve d'une hyper ou d'une hypotension labyrinthique. Mavoux et Paufique ont bien proposé d'apprécier indirectement la valeur de 1a tension des milieux par la tonométrie oculaire ou la mesure de la tension artérielle rétinienne : ils ont publié des observations suggestives à cet égard. Mais peut-on taujours affirnìer le parallélisme entre les tensions oculaire et labvrinthique? Pour Caussé, les rapports qui unissent les tensions dans les deux organes semblent plus complexes que ne l'affirment les auteurs lyonnais.

4° Le rôle de l'allergie a été invoque, chez un petit nombre de malades : il en existe des observations probantes, malheureusement rares. L'allergie expliquerait certains bourdonnements passagers, fugaces mais récidivants, s'accompagnant d'une sensation de plénitude, de pesanteur de 1'oreille, avec prurit du conduit, parfois d'autres manifestations allergiques, digestives ou respiratoires : elle provoquerait une congestion du labyrinthe rappelant 1'oedème de Quincke. C'est ce que Brunner avait décrit sous le rom d'otite interne séreuse vaso-motrice. Atkinson et Shea ont proposé de dépister les quelques malades relevant de cette pathogénie au moyen de 1'intra-dermo réaction à 1'histamine. Chez ceux qui ont une réaction positive, il faut encore rechercher 1'allergéne responsable.

5° Les bourdonnements d'origine vasculaire semblent beaucoup plus fréquents. On sait, en effet, la fréquente des bourdonnements chez les artério-scléreux, les brightiques, dans les hvper
tensions banales, les hypertensions essentielles des jeunes, dans les cardiopathies congénitales, la maladee de Stokes-Adams, les hypotensions, les syndrômes anémiques graves. Beaucoup de bourdonnements, dont 1'otologiste ne peut pas trouver 1'origine, trouvent leur explication lors d'un examen cardio-vasculaire soigneux.

On sait que Lermoyez avait proposé de distinguer les bourdonnements congestifs des bourdonnements anémiques au moyen du test au nitrite d'amyle.

Le rôle du spasme vasculaire, soupçonné depuis bien longtemps a été mis en lumière indiscutablement par les améliorations obtenues au moyen de médicaments vaso-dilatateurs, ou par l'infiltration du sympathique cervical. Les troubles vaso-moteurs dans 1'oreille interne sont vraisemblablement le facteur le plus important dans la pathogénie des bourdonnements. Les perturbations vaso-motrices du labyrinthe ont fait l'objet de nombreux travaux, études déjà classiques de Portmann, de Terracol, ou toutes recentes, de Montandon. Ce dernier auteur a insisté sur les relations étroites entre le labyrinthe et le système nerveux végetatif. P est certain du'une perturbation vaso-motrice à distance suffit à proz-oquer un trouble vasculaire local.

Le trouble vasculaire local, facile à expliquer larsqu'il exis une affection circulatoire génerale, une diathèse, parait moins évident lorsque, éventualité frequente, le malade ne presente rien d'anormal au coeur, aucune anomalie tensionnelle, aucune tare d'ordre géneral visible. Les auteurs américains invoquent, chezces malades, une épine irritative de voisinage : par exemple, congestion de la cochlée en rapport avec une arthrite temporo-maxillaire, on a réussi à guérir des bourdonnements par des traitements orthodontiques... ou encore une épine irritative régionale, à point de départ naso-sinusien, dentaire etc. agissant sur le ganglion otique, le ganglion sphéno-palatin. Sans admettre d'une manière trop absolue de telles assertions, il faut reconnaitre qu'un examen I égional complet peut, chez quelques malades, donner la clef de 1'énigme. Lorsque cet examen ne révèle rien, il faut bien admettre la possibilité d'un trouble vaso-moteur primitif, et énvisager 1'existence d'un système vaso-moteur cochléaire autonome.

Ainsi, à la lumière de ces hypothèses pathogéniques, i1 semble que les bourdonnements vraiment crvptogénetiques doivent devenir de plus en plus exceptionnels. Le problème consiste, à propos de chague cas, à rechercher la pathogénie la plus probablement en cause: ce problème est difficile, demande de patientes investigations. Le praticien géneral, comme 1'otologiste, ne peuvent ni l'un, ni l'autre le résoudre par leurs seuls moyens : il faut confronter les renseignement donnés par 1'examen de 1'oreille; l'examen géneral, 1'examen neurologique et cardio-vasculaire, parfois même le traitement d'épreuve.

Nous serons brefs sur le traitement des bourdonnements syrnptomatiques, heureusement les plus nombreux. Dans un grand nombre de cas, il se confond aevc le traitement de la cause. Souvent, il suffit de faire une insufflation tubaire, d'enlever un bouchon de cérumen, d'améliorer le drainage d'une otite, de soustraire ie malade à une intoxication irritante pour le labyrinthe (tabac. quinine, salicylate de soude, etc.) pour obtenir sans pene une gué1 ison complète.

Le traitement étiologique, toutefois, n'est pas toujours suffisant. Par exemple, le bourdonnement compliquant une otite cicatricielle pose un problème presqu'aussi difficile, au point -le vlle traitement, que les bourdonnements cryptogenetiques dont nous allons envisager la thérapeutique.

Ces derniers peuvent béneficier de traitements multiples, les uns purement symptomatiques, les autres ayant des prétentions pathogéniques. Dans un but de clarté, nous exposerons

- ce qu'il faut éviter de faire,

- les moyens palliatifs médicaux non spécifiques,

- les agents physiques,

- les médications à tendance pathogénique,

- le traitement chirurgical.

a) Ce qu'il faut éviter de faire. Sans décourager le malade, on se gardera bien, même dans un cas d'apparence simple, d'annoncer des miracles. Il faut annoncer une évolution probable de plusieurs semaines au moine: parfois on aura une surprise agréable. Le malade devra éviter le soleil, le grande froid, les excès alimentaires, la constipation, le decubitus post-prandial, d'une rnanière génerale tout ce qui risque d'aggraver la congestion céphalique. Il devra renoncer à tout ce qui peut irriter le labyrinthe. notamment au tabac. On se gardera de toute manoeuvre iocale, lorsqu'elle n'est pas formellement indiquée par une lésion organique : pas d'inssuflations tubaires, pas de massages du tympan sans riécessité réelle.

b) Les moyens palliatifs médicaux non spécifiques. On essaiera toujours la gamme des sédatifs nervins: valériane, barbituriques, bromures, etc.. en les alternant et les conjuguant. Les formules simples sont les meilleures : combien de bourdonnements guérissent avec les classiques pilules de Méglin.

Les injections intra-veineuses lentes et faites avec prudence de novocaine, proposées par Barany, Dos Ghali comptent quelques euccès. Lewy les co-nsidère comine efficaces, sans influence nocive sur 1'audition, mais d'un effet malheureusement fugace.

Dans certains cas on peut tenter le blocage du ganglion stellaire, ou celui du ganglion cervical supérieur du sympathique. Il est plus simple, et souvent tout aussi efficace, d'essayer les applications de Bonain sur le ganglion sphéno-palatin par voie nasale (Halphen). Toutes ces méthodes peuvent rendre service, mais ne prétendent pas donner des résultats constante ou durables. En raison de leur bénignité, on a toujours le devoir de les essayer.

c) Les agente physiques : on emploie surtout la diathermie médicale et 1'ionothérapie, après nettoyage parfait du conduit, au bromure ou à 1'iodure de potassium, au silicate de soude. Les résultats sont parfois encourageants, entre les mains d'un phvsiothérapeute entrainé à ces techniques un peu spéciales. Mais si 3 ou 4 séances ne donnent rien, il ne faut jamais insister. Bien entendu, il faut éviter ces méthodes toutes les Pois que 1'on craint d'aggraver la congestion locale (otospongiose, notamment).

d) Les médications à tendance pathogéniques doivent étre tentées avec beaucoup de prudence. Il faut, non seulement choisir le médicamént adéquat, mais aussi établir la posologie opportune. Le clinicien s'efforcera de réduire au minimum les inévitables tâtonnements, tout en faisant appel à la patience et à la confiance du inalade.

Iº Dans les bourdonnements d'origine allergique, on sttpprimera si possible l'allergène, ou associera Pauto-hérnothérapie, les tnlections intra-veineuses d'hyposttlfite de sonde, et les anti-histaminigttes de syntltèse, conime le 2'786 RP per os.

2º LOrsqu'il s'agit d'un trouble de la tension des milieux, il faut agir sur le métabolisme de deau et des chlorures. Dans le rénime de Furstenberg, on réduit att minimum les ingesta de sodittm, íe chlorure étant remplacé par divers condimenta. L'emploi du chlorure d'atnmonium peut remplacer dans une certaine mesure celui du sel ordinaire. Un régime aussi strict, en pratique, n'est pas souvent suivi avec assez de perséverance pour donner un résultat. Avec Mayoux et Paufique, on peut tenter d'agir sur la tension des milieux par des injections intra-veineuses d'eau distillée (en cas d'hypotension), ou de sérum glucosé hypertonique, de sulfate de magnésie à 15°% (en cas d'hypertension). Les diuréti(;ues mercuriels, neptal, salyorgan, ont une action à la fois tro1) brutale et ephemère.

3º Lorsqu'il s'agit d'un trouble vasculaire, éventualité qui, pour Atkinson, représente au moina 80% des cas, il faut essayer toute la gamme des tnédications vasculaires. Rarement, 1'entploi de vaso-constricteurs comine l'adrénaline, 1'éphedrine à doses réfractées pourra être indiqué. Presque toujours, c'est aux médications anti-spasmodiques et vasodilatatrices qu'on devra avoir recours. Les deux médicaments classiques sont la trinitrine el surtout 1'acétvlcholine, que 1'on associera souvent à la papavérine, plus rarement à 1'yolumbine. Le benzoate de benzvle en solution alcoolique à 25%réussit chez certains malades. Le chlorhydrate de benzyl-intidazoline peut donner satisfaction, mais il fato 1'essayer avec prudence. Les dérivés de l'acide nicotinique, en particulier le nicotinate de sonde connaissent une grande vogue, Atkinson en fait le médicament de choix. La prostigmine, vantée par Ysander, par Van Loon et Seltzer, peut améliorer des malades, mais son action n'est pas fidèle.

4º Aux médications vaseulaires, on associe volontiers les anti-scléreux, iodures alcalina, rhodanate de potassium, le silicate de sonde, 1'éther benz-s-l-cinnatnique.

e) Le traitement chirurgical doit enfin étre envisagé dans les formes particulièretnent rebelles, après échec de toutes les tentatives médicales sérieuses, lorsque 1'équilibre psychique du sujet semble sérieusement menacé.

1° La trépanation du labyrinthe vient la première à 1'esprit, Aubry et Ombrédanne 1'ont essayée, et la déconseillent : on sacrifie l'audition, sans être certain de guérir le bourdonnement. On a même vu, dans des cas malheureux, le bourdonnement s'aggra,er après 1'intervention. Kafka rejette aussi Cette opération.

2° La décompression du labyrinthe peut avoir des chances de succès lorsque le bourdonnement est lié à 1'hypertension locale on peut la réaliser, soit par fenestration du canal horizontal, soit par 1'ouverture du sac endolymphatique (opération de Portmann).

3° La tympano-sympathectomie de Lempert consiste à décortiquer, en quelque sorte, le promontoire, par voie endaurale, à la faveur d'une désinsertion partielle temporaire du diaphragme myringien. L'ablation du couvercle muqueux du promontoire réalise, en quelque sorte, une énervation régionale. Cette intervention dê1icate a rendu service à certains malades. Notre collègue Bouche 1'a tentée chez des sujets réputés incurables, avec des résultats. Nous croyons qu'il faut 1'essayer lorsqu'on a obtenu une sédation temporaire par injection dans la caisse de novocaine, soit à travers le tympan, comme 1'a proposé Trowbridge, soit par la trompe d'Eustache, comme 1'a fait Randall.

4°La neurotomie du nerf acoustique, qui a donné de si remarçuables résultats dans le traitement du vertige, ne suffit pas à guérir tous les-bourdonnements: il ne semble pas que l'amélioration aléatoire parfois obtenue justifie le sacrifice du nerf cochléaire.

La solution de 1'avenir consistera peut-être à pratiquer la neurotomie des fibres acoustiques plus en amont, peut-être dans le trone cerebral. I1 est certain que beaucoup de bourdonnements rebelles aux méthodes que nous venons de voir sont d'origine centrale, et de ce fait, qu'ils ne peuvent être attaqués avec une chance de succès que par des méthodes neuro-chirurgicales.

Ont peut se demander pourquoi les traitements les plus consciencieux, les soins les plus dévoués sont souvent si mal récompensés. Pour Atkinson, il faut incriminer les facteurs suivants 1° La cause d'un bourdonnement est souvent três difficile à préciser, 2° Même lorsqu'elle est connue, le traitement étiologique peut être três difficile à prescrite, 3° Même lorsque 1'on connait un médicament efficace, son action peut être infidèle, 4° Enfin, lorsqu'il s'agit d'une perturbation inveterée, vaso-motrice, par exemple, une médication, même efficace, pourra atténuer la cause, mais ne pourra plus agir sur des effets indelebiles. Ainsi, un spasme dure depuis des mois peut encore être levé par la médication, mais celle-cí ne peut plus rien contre la sclérose, la dégenerescence des filets nerveux dont la trophicacité a été si longtemps alterée.

Pour conclure, nous dirons que beaucoup de bourdonnements peuvent être améliorés, beaucoup sont guérissables. Ces malades, si souvent négligés, méritent tout notre interêt. I1 s'agit là d'une infirmité atroce, plus pénible que la cophose la plus complète. Bien des sourds incurables se disent avec joie qu'ils sont presque guéris, uniquement parce qu'on a réussi à éliminer leurs bourdonnements.

Malheureusement, il faut le reconnaitre, le bourdonnement teste une des plaies de la spécialité otologique. Un sourd incurable, après quelques dizaines de consulfations et d'échecs, fina parse résigner. Le malade atteint de bourdonnements chroniques, lui, ne se résigne pas. Et nous le comprenons. Quoi qu'il en soit, il est 1'un de ceux que nous voyons s'asseoir avec le plus d'inquiétude dans notre fauteuil.




(*) Trabalho apresentado na Secção de o. R. L. da Associação Paulista dd Medicina,
em 30 de julho de 1948.

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